France/Diaspora

Publié le par Cyrille TCHAMBA

 INTERVIEW DONNEE AU QUOTIDIEN LE MESSAGER ET PUBLIEE LE 27/02/2009


CYRILLE TCHAMBA 

Conseiller national à la réflexion stratégique du Centre de la diversité républicaine(Cdr), proche de l'Ump, et président de l'association Egalité plus qui lutte contre les discriminations sous toutes les formes en France. Ce franco-camerounais se souvient de la répression sanglante qui a suivi les manifestations contre la vie chère, fin février 2008, dans de nombreuse villes du Cameroun. Il évoque au passage la visite ajournée de Nicolas Sarkozy à Yaoundé et la France Afrique, les tractations avec les autorités camerounaises sur l'instauration de la double nationalité…

 

« Ce n’est pas en recourant aux armes qu’on restaure la paix sociale »

 

Il y a un an, du 25 au 28 février, plusieurs dizaines de camerounais tombaient sous les coups des balles des forces de l'ordre lors des manifestations contre la vie chère. Comment avez-vous vécu ces évènements à l'époque?

J'ai vécu ces émeutes de la faim de manière dramatique. D'abord parce que les images véhiculées par les chaînes de télévision en France étaient terribles, confirmées par des informations reçues par téléphone et internet. Des images de guerre, avec les forces armées qui tiraient sur des manifestants aux mains nues, des corps des morts qui jonchaient les grandes artères comme à Bessengue ou à Ndogpassi, pour ne parler que de Douala. Et puis, des barricades un peu partout, y compris à Yaoundé, des pneus en feu, des stations services et autres commerces saccagés. En fait, des images plus graves que ce que j'avais connu alors que j'étais élève au lycée de Nkongsamba en 1990, au moment des villes mortes. Mais déjà à l'époque, les pouvoirs publics et les forces de l'ordre n'avaient pas su gérer le soulèvement populaire qui ne doit en aucun cas être assimilé à un acte de rébellion. Au contraire, il s'agit toujours d'un acte de revendication légitime pour le peuple quand il a le sentiment de ne pas être entendu par ceux qui dirigent le pays, ceux qui ont été élus pour servir les populations et non se servir du peuple. Je suis persuadé que si le gouvernement camerounais avait bien tendu l'oreille des mois auparavant, il aurait mieux contrôlé la situation et peut-être que la grogne n'aurait pas été si violente.

Depuis ces évènements, les prix de certains produits de première nécessité ont en théorie baissé. Et le Cameroun semble avoir retrouvé une certaine paix sociale. Votre sentiment?

Effectivement, le Cameroun paraît de nouveau être un pays calme. Les stigmates des émeutes de février 2008 ont en grande partie disparu en apparence. Or il suffit, comme moi de se rendre régulièrement au Cameroun, de vivre au quotidien la réalité des populations même dans des grandes villes comme Douala, Yaoundé, Bafoussam, Bertoua ou Garoua, pour voir à quel point l'immense majorité des gens se trouvent dans la détresse et la misère sociale. Le pays reste en réalité en quête de développement. Quand on habite Toboro, Kolofata ou encore Dibombari et Lomié, ce n'est pas parce qu'on ne dit rien qu'on ne souffre pas. Les gens vivotent et meurent en silence. Et ça c'est la pire des choses pour un pays. Le Cameroun a un manque évident d'infrastructures à tout point de vue. Ce qui n'est d'ailleurs pas étranger à la vie chère. Car le paysan qui cultive ses produits dans les zones les plus reculées du pays a besoin de transporter jusque dans des communes un peu mieux desservies pour espérer les écouler facilement. Faute de quoi son igname ou son manioc va pourrir s'il ne trouve acheteur au plus offrant. Je pense donc les pouvoirs publics ont du pain sur la planche pour répondre aux préoccupations des camerounais. Il y a là un défi permanent à relever si on veut éviter un nouveau soulèvement populaire. C'est aussi cela le sens de l'anticipation.

 

Vous parlez de l'absence du sens d'anticipation des dirigeants camerounais. On peut dire exactement la même chose de Nicolas Sarkozy avec la crise des Antilles françaises. Non?

Je ne crois pas que ce soit exactement la même chose. D'abord parce que le Cameroun et la Guadeloupe n'ont pas vraiment la même histoire. En plus, même s'il est vrai que le gouvernement français a un peu été pris de court par les évènements, on voit comment le secrétaire d'Etat à l'Outre mer, Yves Jégo, puis le premier ministre, François Fillon et enfin Nicolas Sarkozy, le chef de l'Etat, ont pris les choses en main. Tout se passe par la négociation et le dialogue social. On n'a jamais entendu dire ni vu les forces de l'ordre tirer sur les manifestants. Elles ont au contraire reçu l'ordre de ne jamais faire usage leurs armes à feu. Au Cameroun, lors des émeutes de l'année dernière, les forces de l'ordre n'ont pas hésité à faire régulièrement usage de leurs armes à feu. D'autant plus qu'ils ont pu se sentir encourager en cela par le discours du président de la république. En tout cas, s'il y a une leçon à retenir, c'est que 'on ne règle pas des conflits avec des armes. C'est au contraire par le dialogue et la négociation que l'on parvient à des points d'accord. Le recours aux armes, lui, débouche inévitablement sur la radicalisation des positions et entraîne les rancoeurs. De telle sorte que, passé le temps du conflit, les diverses parties qui, ne l'oublions pas sont des citoyens d'un même pays, ne pourront plus se parler. Ce qui est une catastrophe pour la paix sociale.

On sait que Nicolas Sarkozy doit rendre visite à son homologue camerounais, Paul Biya. Cette visite était même imminente. Pourquoi a-t-elle été ajournée?

A l'état actuel de mes informations, l'ajournement de cette visite aurait été motivé par un souci de réadapter l'agenda du président Sarkozy au calendrier des évènements internationaux. Mais, il ne fait aucun doute que l'ambiance est excellente entre les deux présidents. Ce qui laisse croire que cette visite aura bien lieu. D'ailleurs, le fait que Nicolas Sarkozy ait personnellement adressé un message pour souhaiter un bon anniversaire à Paul Biya est un signe qui ne trompe pas d'une amitié toujours renouvelée. Ce qui n'exclut pas des divergences d'appréciation sur tel ou tel autre point. Je pense par exemple que la situation d'Elecam peut être un de ces points que l'Élysée espère voir évoluer vers une visibilité davantage démocratique. Il en va de la clarté dans l'organisation des élections au Cameroun et d'un rapprochement entre les peuples camerounais et français dans la culture démocratique. Je fais d'ailleurs partie d'un groupe de réflexion mise en place pour l'instauration de la double nationalité au Cameroun. Nous avons interpellé le président Biya à ce sujet. Nous attendons toujours sa réponse. Mais je pense qu’il ne serait pas, à priori contre cette idée. Jusqu'à présent, les autorités camerounaises ont toujours traité les camerounais de la diaspora comme étant des déserteurs. Nous sommes des camerounais à part entière, même si nous avons choisi des voies différentes pour exprimer nos compétences. La diaspora n'est pas forcément politisée. Elle est simplement le reflet des clivages nationaux. Elle revendique toute sa participation à la construction nationale. C'est dans cette optique que la double nationalité est un enrichissement et ne doit pas être appréhendée comme un frein politique.

Nicolas Sarkozy a été élu président de la république sur le thème de la rupture. Y compris la France Afrique. Qu'en est-il de son effectivité?

Je suis conscient de ce que cette rupture tarde à se faire sentir dans les relations France Afrique. Il faut absolument lutter contre les réseaux mafieux qui existent entre le continent africain et la France. Il n'est pas acceptable que de petits coquins se sucrent sur le dos des populations africaines pendant que ces mêmes populations crèvent de faim. Je ne doute pas que Nicolas Sarkozy en a conscience et qu'il saura définitivement marquer sa différence le moment venu. Sa promesse d'un véritable co-développement en dépend.

Jean-Célestin EDJANGUE à Paris

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